Moi et mon image
Dolto racontait l'histoire de ce couple d'américain en voyage à Paris. Ils avaient emmené leur fils avec eux. Etant dans l'obligation de le laisser seul, il l'avait confié à une nourrice. La pièce où il pouvait jouer contenait de nombreux miroirs. Cet enfant fut très vite présenté à Françoise Dolto : destructuration de la personne... Personne n'avait songé à expliquer ce qu'était un miroir et ce qu'il refletait réellement. Ce jeune garçon s'était vu, lui, dans ces miroirs. Il y avait plusieurs LUI, or il pensait être UN. C'est un aspect schizophrénique.
Autre cas que Dolto avait eu à résoudre : une maman avait des jumeaux, homozygotes c'est à dire des «vrais-jumeaux», issus du même oeuf. Il se ressemblait donc parfaitement. A quatre ans, l'un deux tomba malade. Il resta à la maison tandis que son frère partit à l'école. La maman, alors qu'elle faisait la cuisine, entendit son fils appeler et crier contre son frère. Elle rentra dans la chambre où il était resté et le vit devant un miroir en train de se regarder. L'enfant se disputait avec son frère. Ce qu'il voyait dans le miroir était son frère, pas lui.
Réflection de l'image et réflexion sur soi
Ces deux exemples viennent illustrer le propos et pose la question : y-a-t-il un danger à se voir soi dans le miroir ? Danger n'est peut être pas le terme approprié. Vous l'aurez compris, ce n'est pas SOI que l'on voit dans un miroir, mais une image de soi. Une représention, un reflet de soi n'est pas suffisant pour ETRE. Prenons l'exemple du miroir déformant, il est évident qu'il s'agit d'une image «déformée» de soi. Quelquefois plus large, plus haut, ces types de miroirs vous modèlent presque à l'infini. Il ne viendrait pas à l'idée qu'un simple miroir puisse également déformer. Pourtant le miroir renvoit une image qui ne correspond à une réalité entière. Certains matins, devant le même miroir, vous pouvez vous trouver «beau» ou «laid» suivant l'image que vous percevez. Des cernes sous les yeux peuvent radicalement changer l'image que vous avez de vous. Mais cette image n'est que le reflet de ce que vous produisez dans votre tête. Si vous vous sentez bien, vous vous «verrez» bien, et réciproquement. Un petit bouton sur le visage présent depuis plusieurs jours peut prendre beaucoup d'aspects et une dimension différente sans prévenir, sans savoir pourquoi. On aura beau se retrancher derrière un : «je ne l'avais pas vu», sa présence soudaine modifie l'intégralité de son être et l'on se retrouve bien souvent réduit à ce simple bouton. On ne voit plus que lui, «les autres, c'est certain, ne voit que ce bouton». Et vous d'autres tenteront de vous rassurer, plus vous en parlerez, plus vous y penserez et plus effectivement vous deviendrez ce bouton et non plus ce «beau jeune homme» ou «belle jeune fille» que vous étiez hier.
Entre les exemples cités par Dolto et notre petit bouton, l'écart est en réalité infime. Il s'agit d'une représentation de soi et non pas soi même. La confusion peut amener à des déchirements importants. La prochaine fois que vous vous regarderez dans une glace, pensez-y, il s'agit de votre image, de votre reflet, et non pas vous-même. S'apercevoir simplement de cette différence, sans chercher à aller plus loin, c'est déjà apprendre à se distinguer ce qui est et de ce qui n'est qu'une image. C'est déjà s'aimer un peu plus...
la suite, bientôt...